L'herbe recouvre le chemin....
Je retrouve ce petit texte.. très ancien
Les volets clos.. pour me cacher de la chaleur
Je relis.. et souhaite partager..
...ce devenir !
"Le roseau plie et ne rompt pas"
L'herbe recouvre le chemin. Les visites deviennent plus rares, il n'y a plus de pas pour coucher et flétrir le gazon qui pousse entre les pierres. La maison, comme le propriétaire présente des signes de faiblesse et de décrépitude. Les volets aspirent à recevoir une couche de peinture. A plusieurs endroits quelques pierres sont à nu, les rosiers ne sont plus attachés.. le début d'un abandon, qui sera certainement plus apparent dans quelque temps, est déjà visible.
Comment est-il possible de vivre les quelques années qui précèdent le départ vers l'éternité dans une telle solitude ?
La réponse est: c'est simplement déchirant.
Nous, les mères, les grand mères, les grands parents dès la naissance de notre premier enfant, puis de l'enfant de celui-ci, avons pensé à chaque instant à la chair de notre chair, à son bien être, à ses chagrins. Améliorer son existence, œuvrer pour qu'il puisse avoir une vie meilleure a été le leitmotiv de chaque jour.
Et voilà, nous sommes sur le bord du chemin sans visites et sans aides. L'herbe pousse entre les dallages sans être foulée par les petits pieds tant aimés. Où sont les plaisirs d'antan ? Rien n'est permanent, c'est une réalité. Il est tellement normal que les pôles d'intérêts pour la vie ne soient plus les mêmes, les enfants ont mille choses à assumer. Les études sont longues, prenantes, compétition et pression sont constantes. Il y a les vacances, les départs vers d'autres horizons plus loin, plus hauts, les amis d'un jour qu'il est urgent d'aller retrouver. Il est indispensable de participer à de grandes fêtes où l'on retrouvera des inconnus que l'on ne reverra sans doute jamais.
Mais l'herbe du chemin qui mène chez l'aïeul, par qui sera-t-elle foulée si ce n'est par des personnes qui par eux ont été aimées, à qui il a été tant donné?
Le téléphone relie dit-on, mais il creuse un fossé d'indifférence. Celui qui appelle se décharge d'un poids, il a le sentiment d'avoir fait ce qu'il pouvait, pour lui la liaison n'est pas rompue, cependant une fois la conversation terminée, la solitude est amplifiée pour celle, pour celui qui est seul. Le bonheur est de partager, de pouvoir échanger les simples détails de la vie, de serrer encore sur son cœur l'enfant tant aimé.
Quelle étrange impression de se sentir descendre au tombeau avant d'être sans vie ! De ne plus faire partie des activités de ceux que vous avez aidé et aimé de toutes vos forces, de ne plus pouvoir compter sur eux, de rester sur le bord de leur chemin, de ne plus recevoir de regard complice, d'être devenue une obligation légère. Que de désespoirs cachés.
Ne plus recevoir de marque d'amour spontanée, ne plus être reconnue dans la foule, que de souffrances et coups de griffes ressenties. Avoir une place autour de la table, mais rester seul, avant la fin du repas tous sont déjà partis ! Qu'il est difficile d'admettre que vous n'êtes plus entendu lorsque vous parlez, de ne pas avoir de réponse à vos pauvres questions. Ne plus être accompagné dans vos instants difficiles, ni dans vos moments heureux, rien n'est plus partagé! Qu'il est difficile de comprendre que vous ne comptez plus, que vous devenez transparent, vous êtes mal assis sur votre chaise vous demandant comment ce froid intense a pu s'établir. Votre cœur, en écharpe porte une couronne d'épines.
A cet instant, votre seule idée est de retrouver votre solitude où finalement là est votre place. La rupture est faite, vous avez compris que tous nous venons à la vie seul et que nous repartirons seul.
C'est sans regrets et sans haine qu'il faut continuer la route, sans regards arrière dans le rétroviseur. Etre comme le roseau, se plier, et se relever sans se rompre. La vie réserve d'autres plaisirs, d'autres rencontres que nous ne soupçonnons pas, être à l'écoute, à la recherche de l'inconnu qui lui, vous acceptera tel que vous êtes et deviendra peut-être votre ami.
Rien n'aura été inutile car vous avez aimé.