Une autre petite nouvelle !!
Il jeta sa serviette sur la table, repoussa sa chaise qui tomba…
… en plein repas de famille !
Jean est blême lorsqu’il claque la porte !
Personne ne s’attendait à cette réaction brutale.
Ce fut la stupeur, nous laissant tous interdit.
Un silence glacial tombe sur cette assemblée familiale au verbiage haut et coloré d’habitude.
Puis lentement, ma mère se leva, commença à trembler pour s’effondrer en larmes dans le fauteuil près de la fenêtre… sans un cri.
Silencieuse, Caroline ma sœur, s’approche pour la prendre dans ses bras.
Un bruit de verres.
Mon père d’un geste furieux balaye ce qui est devant lui, sur cette table endimanchée.
Tante Lucie la sœur de mon père, vint vers lui pour essayer de le calmer et redresser ce qui est tombé.
Il l’a repousse d’un geste brut, sans équivoque et sans un mot, se lève pour sortir. Ses jambes ne peuvent plus le porter. Il retombe sur sa chaise, la tête dans les bras.
Lucie apporte un linge mouillé et lui en couvre la nuque.
Ouvre la fenêtre.
L’air est irrespirable.
Bruno, le mari de Lucie, beau frère de notre père, tassé sur sa chaise en attente d’une autre tornade de cris et de larmes qui ne va pas manquer.
Mon frère Christian, comme a son habitude se ronge les ongles en attendant que « le grain » passe. Julie son amie se lève, reste debout près de la cheminée.
Ambiance lourde.. Hurlante de douleurs non précises.. Pourtant tous connaissent la raison de ce drame familial qui tombe comme une chape de plomb.
Jean est venu pour le week end.
Parti très jeune de sa famille bourgeoise, Jean a fréquenté les meilleures écoles pendant de longues années, son travail a été intensif. Quelques vacances avec des amis, ainsi les retours au village furent toujours courts et rapides. Ce travail sérieux, vient d’être récompensé par un poste dans la magistrature..
Le repas de famille doit honorer et fêter ce fils talentueux.
Jean, jeune homme un peu craintif, pas très sure de lui, a de nombreuses difficultés pour s’intégrer en arrivant dans le cercle de cette école.
Jean a toujours été traité par son père comme étant une mauviette. Ce père qui aurait aimé avoir un fils, costaud qui comme lui s’enthousiasme pour la chasse et tout ce cérémonial qui entoure cette course entre l’homme et le grand gibier, sangliers « bête noire » qui plus malin que l’homme arrive à se cacher et évite le coup de fusil fatal pendant plusieurs années. Ce père qui vit de sa passion et dont les amis de chasse font partie de son cercle très proche. Qui aime et ne manquerait pour rien au monde ces moments de l’après chasse où le groupe chasseurs et traqueurs se rejoignent pour fêter.. commenter.. boire, parler des chiens.. Et rentrer tard, très tard au logis familial en ne pensant qu’à la prochaine réunion. Où la mère crie et hurle sur tout ce qui bouge ! Raisons de ce qui est décrit plus haut, et pour manifester ses frustrations… peut-être ?
Jean aime la grande musique… les opéras et lorsqu’il vient en vacances dans la grande maison... il aime écouter avec un maximum de décibels, toutes fenêtres ouvertes !
Son père est agacé au plus au point, lui qui est toujours à l’affut d’un bruit et recherche le silence. ..Lui qui est à l’écoute du moindre chant d’oiseaux !
Les vacances apportent plus de tensions que de bonheur, l’homme des bois et le fils passionné de littérature de grande musique ne se comprennent pas.
Après quelques mois de grande solitude, la chambre du 6eime sans ascenseur lui est devenue pénible à retrouver.
Adrien, étudiant dans le même cours mais plus dilettante, lui propose de le rejoindre pour un week end à Deauville ou ses parents possèdent un pied à terre.
Ce fut une révélation pour Jean.
La famille n’est que calme et douceur. Le soir les discussions interminables sont enjouées sur tel ou tel écrivain... Les goûts musicaux et les préférences de chacun sont riches en documents que Jean aime à comparer avec ses propres choix.
Il se sent bien dans cette ambiance, la rentrée prochaine voit la fin de ses vacances de rêves…. Et l’angoisse l’assaille.
Adrien, est merveilleux à ses yeux.
D’une sensibilité égale à ce qu’il ressent pour les moindres choses de la vie... ils rient, ils étudient au même rythme. Jean est sous le charme d’Adrien qui lui ne peut se séparer de cet ami qui lui apporte l’équilibre et la force pour continuer des études qui deviennent ardues pour ce rêveur !
Pour vivre le plus près l’un de l’autre dans le but de travailler sérieusement ensemble, Adrien lui propose de venir habiter dans l’appartement que ses parents louent pour lui.
Sans hésitation Jean accepte l’offre, trop heureux de voir ce bonheur d’avoir son ami au plus près de lui. Cette nouvelle vie n’empêche pas Jean d’être très assidu dans son travail et oblige Adrien à devenir plus consciencieux.
La vie a complètement changé pour Jean.
Aussitôt le travail terminé, la vie nocturne de Paris s’offre à eux, ils sont heureux de vivre ensemble et le montrent sans complexe, ni arrière pensée.
Visites de musées, concerts, cinéma, petits restaurants et bars le soir sont des plaisirs partagés, qui font voir la vie dans un autre angle loin de la routine… lorsque l’on est jeune et heureux ce n’est que bonheur !
Jean a complètement oublié la vie frustrée qu’il a eue pendant toutes les années de sa jeunesse.
La douceur de vie sans contrainte facilite son épanouissement.
Cette vie harmonieuse l’a beaucoup changé, le voici en possession de diplômes de haut niveau, la proposition d’un poste dans les hautes sphères de la magistrature en est la consécration... le bonheur et la gloire !
Les parents de Jean sont très fiers de sa réussite … et veulent le fêter comme il se doit !
Jean part seul..
Il n’a jamais parlé à sa famille de l’amitié qui le lie à Adrien.. par timidité.. ? Ne voulant pas partager son jardin secret et surtout ne pas mélanger les genres…. De toute façon, il n’y a rien à dire, tout se passe dans la joie de vivre, qui est une autre sphère que celle dans laquelle ses parents vivent !
Le père pose des questions… Il tape sur la table et il veut des réponses précises.
Il devient rouge et confus…
Mais dis-moi.. tu vis complètement avec ce type ?
Ah… je me doutais.. qu’un jour j’aurais un nouvel affront de toi…toi la mauviette !
Tu fais donc partie de cette bande de .. de … dégénérés… !
Blanc comme un linge, Jean se lève, jette sa serviette sur la table...et pars sans un regard.