Le Roman feuilleton commençait.. j'extapolais !!!

Chaque soir Caroline a un gros chagrin, Caroline pleure, Caroline a peur.
La poupée ne lui suffit pas pour tomber dans le sommeil. La mère s’énerve, le père crie, ce qui fait pleurer encore plus fort, notre pauvre Caroline. Cela devient dramatique.
Le vieux grand père maternel lui seul sait donner confiance. Il murmure à la petite oreille rose, bien cachée dans les frisotis de cheveux blonds dorés, des « choses » secrètes. Et lorsque c’est secret, rien ne transpire. Le grand père connait tant de choses, le grand père a voyagé très loin, a vu des palais et il sait conter ! Au bout de quelques semaines, il apparait un semblant de mieux. Les histoires seules guérissent Caroline de ses cauchemars.
« Quand quelqu’un a la chance de vivre dans une histoire, de vivre dans un monde imaginaire, les peines de ce monde-ci disparaissent. Tant que l’histoire continue, la réalité n’existe plus » (Paul Auster Brooklyn folies)
Caroline vit le jour dans l’espoir du moment précieux que le soir apporte, l’histoire que lui contera son grand père, le papa Simon de sa mère.
Les parents de Caroline sont des paysans, des petits paysans d’une ferme située loin de tout, dans la France profonde. C’est le travail qui est maître de leur vie et leur vie est triste. Ce travail de la terre est dur, il n’y a ni fêtes, ni dimanches, ni repos. Nous ne sommes pas au temps du pain noir, mais les difficultés journalières semblent n’avoir de fin. Ce sont les bêtes, la terre qui dirigent le couple à chaque instant de l’année. Caroline n’aime pas, n’a jamais pris plaisir dans les activités de la ferme, dans cette vie à la campagne. Les vaches lui font peur, les poules mêmes l’effraient lorsqu’elles tentent de s’envoler. Elle n’aime pas la boue qui salit ses souliers pour aller en classe. Elle n’aime pas les odeurs de la ferme, la paille, le foin les odeurs d’étable qui pénètrent dans sa chambre et imprègnent jusqu’à ses vêtements.
Sa mère n’est pas coquette comme les autres mères lorsqu’elles viennent rechercher leurs enfants à la sortie de l’école ; elle a honte. Elle aurait aimé voir autrement cette mère qu’elle commence à juger malgré son jeune âge.
Le père crie, ne comprends pas cette petite qui semble venir d’un autre monde.
Alors le soir, calmement, le grand père Simon s’approche du lit de la petite en pleurs et doucement très doucement lui murmure à l’oreille.
Le calme et la confiance s’installent, les gros sanglots diminuent, les petits yeux qui étaient remplis de larmes commencent à briller, ses lèvres roses s’entrouvrent dans une ébauche de sourire. La voix du grand père est douce, posée. Sa grosse main calleuse a pris celle de l’enfant et les mots coulent comme du miel. Il raconte ce qu’il a vu étant jeune, des paysages de douceurs, où l’océan et ses vaguelettes mousseuses viennent se lover et se perdre sur les plages de sable chaud. Il est question d’alizées qui amènent des parfums suaves, du palais de marbre blanc qui fut construit par un prince éploré pour sa princesse qui a rejoint trop tôt l’infini. Enfin, les petits yeux tombant de fatigue se ferment et c’est un gros baiser qui clôt la soirée.
Là commence le rêve, le rêve de Caroline… la suite de l’histoire du grand père est imaginée et se perd dans le sommeil.
Elle attend avec impatience ce que lui apporteront, le soir, les récits des voyages de son grand père. Tout est en toi, lui dit le grand père, tu es capable de faire tomber des montagnes ; si tu as la volonté et si tu le désires réellement, tu peux toi aussi devenir une princesse. Tout est possible, il suffit de croire, de croire en toi, de projeter dans le futur de tes pensées ce que tu veux devenir, ce à quoi tu aspires à devenir, en ayant foi en toi et en étant certaine de ta réussite. Deviens ton rêve.
Caroline grandit ; c’est une jolie petite fille. Le grand père a quitté la ferme, il a dû être « placé », Caroline souffre de ce départ pour la maison de retraite. Caroline est révoltée, et se sauve pour aller lui porter quelques petites douceurs grappillées de son goûter, au moment de la sortie de l’école. Les cris tombent toujours sur elle lorsqu’elle rentre à la ferme.
Caroline est un garçon manqué, dès la sortie de l’école, elle grimpe dans les arbres pour aller rêver ; elle a sa propre cachette. Et pendant ces temps bénis, elle continue une conversation imaginée avec son grand père, Caroline poursuit son rêve.
Les années passent, Caroline n’aime pas l’école, la mère crie, le père tape, il faut aider aux travaux de la ferme, Caroline déteste et Caroline s’enfuit.
C’est une vie de galère qui commence. Pourtant la voix du grand père est toujours au fond de son cœur … Elle croit en ce que son grand père lui a dit, elle espère. Ses nombreuses idées de réussites, elle les projette dans son avenir. Devient ton rêve disait le grand père !
Les petits boulots sont enchaînés ; dans la grande ville c’est une autre galère. Les rencontres se succèdent plus ou moins sérieuses, mais Caroline sait ce qu’elle veut, elle avance dans la vie, cheveux au vent, ignorant les dangers. Elle a la chance de rencontrer quelques fois des piliers solides qui l’aident à se construire, ils ont l’accent du grand père Simon et la remettent dans le droit chemin qu’elle a tendance à quitter parfois. Mais elle est toujours à l’écoute, à l’écoute de son rêve.
Caroline aime le beau, la beauté de la vie simplement. Caroline a une âme d’artiste. Elle est devenue une très jolie jeune femme, charmante et sa compagnie est recherchée. Les commerçants aiment avoir son aide en tant qu’extra, c’est une valeur sûre pour la vente, pour la présentation de modèles. Caroline a du succès dans son travail, dans ses relations.
Elle travaille d’arrache pied, elle a le désir de réussir, c’est une touche à tout mais la peinture est particulièrement son violon d’Ingres ; elle donne tout ce qu’elle peut dans cet art. Donc après son travail, elle suit des cours avec des professionnels dans un atelier de peinture pour améliorer et perfectionner son style, elle veut devenir une artiste, une vraie. Se faire connaître est son leitmotiv.
Un soir d’hiver, à la sortie du cours de peinture le vent souffle très fort, une pluie fine tombe sur le dos de Caroline qui se dépêche pour reprendre sa voiture et rejoindre le restaurant ou elle doit servir le repas du soir. Elle vient de terminer une œuvre qu’elle tient précieusement d’une main et de l’autre, parapluie et trousse de peintre. Le vent s’engouffre sous le parapluie, fait tomber sa trousse… l’œuvre récente dans le caniveau ! Une voiture arrive au moment précis où Caroline tente de ramasser les objets qui se vautrent dans les flaques d’eau. Un coup de frein trop brusque fait dévier la voiture qui heurte Caroline sur l’asphalte trempé.
C’est un drame qui se déroule dans l’esprit de Caroline, le retard à son travail où elle est attendue, son œuvre finalement achevée détruite en quelques minutes ! Tous ses efforts qui commençaient à être reconnus et allaient être payants détruits en quelques secondes !
C’est trop bête, mais le pire de tout, c’est qu’elle ne peut se relever et que sa jambe est affreusement douloureuse. Un homme sort de la voiture, aide Caroline à se relever, elle ne le peut. Il ramasse les objets éparpillés sur le sol. Caroline est furieuse, elle lui dit vertement et tels qu’ils viennent les mots qui se bousculent dans sa tête, l’homme est catastrophé, il semble anéanti et c’est Caroline qui lui demande d’appeler les pompiers, elle doit aller à la clinique de suite, elle hurle maintenant, la douleur devenant lancinante.
C’est alors l’entrée aux urgences, l’hôpital, les soins et la décision du docteur de devoir la garder dans son service une quinzaine de jours, la plaie étant ouverte. Caroline souffre et est furieuse. Toutes les questions de la terre se bousculent dans sa tête… Pourquoi ? « Il aurait suffit d’une seconde, le temps que je monte sur le trottoir et cet accident aurait pu être évité »
Enfin calmée, elle pense à son grand père et à ce qu’il lui disait :
Petite cause = grand effet. A toutes choses malheur est bon.
Ce n’est que folies ! Ce n’est pas une petite cause premièrement et quel effet pourrait-on prétendre après un accident… !
Le soir même, un énorme bouquet de roses est apporté dans sa chambre, accompagné d’un très gentil mot d’excuses. Par l’infirmière elle sait que de ses nouvelles sont demandées régulièrement par l’inconnu responsable de ses malheurs.
Puis, un après midi, il est venu lui rendre visite. En faisant une petite enquête simple, il avait appris la valeur de Caroline et sa détermination à être reconnue dans la peinture.
« Je suis tellement désolé de cet accident, de vous avoir involontairement pris de votre temps, avoir anéanti votre travail, fait souffrir. Je souhaite de tout cœur vous dédommager bien entendu, mais aussi vous aider dans l’avenir ».
« Un de mes amis galeristes bien connu de la capitale, à qui j’ai parlé de notre rencontre, de votre accident, de votre travail et qui a vu certaines de vos œuvres, vous invite à exposer dans sa galerie. Votre travail est surprenant aucune comparaison ne peut-être faite avec d’autres peintres, vous maîtrisez la couleur et la lumière. Ce sont les mots employés par mon ami, vous pouvez commencer à préparer cette exposition ! ».
C’est le rêve pour Caroline, le rêve de sa vie.
L’angoisse l’étreint. Elle doit tout mettre en œuvre pour que la préparation de cette première exposition, dans ce lieu réputé, soit réussie. Elle ne voudrait pas décevoir son mécène ! Elle aimerait au fond d’elle-même être une révélation. Mais tant d’appelés et si peu d’élus
Malgré sa nervosité tout semble simple et se déroule comme elle le souhaitait, comme elle l’a rêvé, Grand père avait raison !
Verrons-nous un jour, les œuvres de Caroline suspendues aux cimaises de musées, ce sera une autre histoire !
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