En ces jours de souvenirs de guerre....
En ces jours de 11 novembre.. de souvenirs de guerre, tout semble remonter à mon mémoire. Une amie qui souhaite écrire des souvenirs sur sa grand mère, que j'ai connu, m'a demandé quelques souvenirs.. Entre autre le souvenir de notre évacuation en 1940... datant de 72 ans!
Je ne me rends pas bien compte car pour moi.. c'était hier !!
"La drôle de guerre" avait commencé dès I938, mon père avait été mobilisé dans le nord de la Marne à Courtisols, là où il avait combattu à l'âge de 18 ans, lors de la "grande guerre" 1914/1918. Puis il est revenu.. pour repartir quelques temps plus tard.
Les journaux annonçaient l'invasion et les menaces qui pesaient sur la France. Mon père ne voulait plus aller combattre, repartir faire la guerre, il disait toujours:" je préfère que l'on me fusille au pied du monument plutôt que de repartir ! " Mais devant les pressions constantes et l'Ordre Général, il s'était résigné à partir.
Réquisisionné avec sa camionnette, il est resté, avec tant d'autres, de longs mois d'attente dans ce même village de la Marne. Pendant ce temps, dans mon village de Haute Marne, nous avions un régiment de militaires du Nord, le 51eime Régiment d'Infanterie. Les hommes du rang étaient cantonnés dans des granges, des maisons désaffectées, réquisionnées. Un groupe était logé dans une vieille maison près de la maison de mes parents. N'ayant guère d'obligations.. que celles d'attendre les ordres qui ne venaient pas, ils traversaient la rue pour venir bavarder, prendre des nouvelles.. demander si l'on avait su quelque chose par la radio. Nous avons conservé l'amitié de quelques uns de ces hommes, souffrant dans l'attente.( Une des filles de l'un d'eux continue de communiquer avec moi ! )
Le parlé "Chti" de ces hommes du Nord nous amusait.. nous les enfants, tentant de grapiller quelques friandises à la sortie des classes. Leurs Officiers étaient logés dans des maisons bourgeoises.
Puis, nous avons vu passer, en de longs et tristes cortèges, les premiers convois de réfugiés de la Meuse devant notre maison dès le début du mois de Mai I940. Des trains entiers déménageaient des fermes complètes, pauvres balluchons, volailles etc. passaient sans discontinuer dans la gare du village, des personnes de la Croix Rouge allaient porter boisson et nourriture, ravitaillement pour ses naufragés qui ne savaient où allait s'arrêter leur périple ! Sur la route les convois de voitures hippomobiles passèrent quelques temps plus tard.. Ils étaient pitoyables. Pendant des jours et des jours nous avons vus ces pauvres gens affolés, hagards.. ne s'arrêtant pas.. Marchant .. marchant sans fin en harranguant les chevaux qui n'en pouvaient plus. Recherchant l'arrêt du soir.. l'endroit de repos pour la nuit.
Ma mère allait près des convois pour demander ce qu'ils avaient vus.. En fait RIEN. Seulement des rumeurs... disant que les Allemands arrivaient très vite, qu'ils faisaient des carnages, coupaient les mains des enfants, les martyrisaient... Brûlaient les fermes, tuaient les animaux... Nous étions tous très angoissés... Les Allemands avançaient que devions nous faire ? Ma mère seule ne se résignait pas a prendre de décisions. elle était très indécise lorsque le Lieutenant qui logeait dans le village et commandait le groupe près de chez nous est venu en priant ma mère de préparer au plus vite notre évacuation:
"Les Allemands sont féroces, vous avez une fille et pour elle vous devez quitter votre maison pour partir vous réfugier.."
Nous sommes parties le 6 Juin... avec un voisin qui avait une voiture (Citroen 15CV) mais pas d'esence.. ma mère n'avait pas de voiture, mais avait de l'essence. Nous ne sommes revenues que fin Aout !! Après avoir passé ce séjour dans une ferme près d'Ussel chez des gens merveilleux.
L'occupation commençait.. et dura cinq années. ...!