A CONTRE COURANT
Voici un roman, (enfin... 3 pages!)
d'Espionnage sorti des oubliettes de.. 15 ans d'âge !
J'espère que vous aimerez, comme moi j'ai eu du plaisir à le composer sous la houlette de l'écrivain Hubert Haddad..et à le relire ce matin !!
A CONTRE COURANT.
La brume était légère sur Londres ce matin là, l’hiver était encore présent, aucune feuille sur les branches, le froid vif avait fait remonter les cols. Un groupe de femmes occupe le trottoir aux pavés glissants . Elles vont toutes dans le même sens, sauf une.
Sur le parking un bus à deux étages, quelques voitures, situant l’ époque lointaine d’avant guerre, viennent d’amener les ouvriers. Une file de femmes, se pressant les unes aux autres piétine sur le trottoir attendant l’ouverture de la fabrique.
A contre courant, “Elle” va, emmitouflée dans son manteau de fourrure, chapeau cloche, sac à main de bonne facture, élégante, le regard perdu droit devant elle. Étrangère à cette file d’attente, à ces femmes, elle ne voit que son cheminement intérieur. Dans ce groupe, une femme s’est retournée sur elle, lui jetant un regard d’ envie.. comme elle est belle! où va-t-elle dans cette direction. Toute la journée pendant les heures de son dur labeur, elle aura la vision de cette beauté allant vers son fabuleux destin.
Au même moment, Quai de New York à Paris, dans le bureau du président de l’Agence X, un groupe d’hommes attend un appel important venant de Chine que George Wo-heu, devait donner. Feu vert d’une affaire importante, qui devait modifier le cours des choses mondiales. Allant de contact en contact, rien ne devait transpirer. Le contact de Londres aurait dû être prévenu que la “taupe” ne serait pas au rendez vous. L’identité ,les habitudes du contact n’étaient pas connues du bureau de Paris. Comment prévenir du retard ? le “contact” était en danger.
L’espionnage est une affaire de sang froid. Peu de femmes ont la force de caractère nécessaire. Blanche, c’était son nom, sous des apparences fragile, mondaine, avait une trempe extraordinaire, digne suite de Mata Hari, fusillée en 1917, dont elle avait toujours aimé cette fleur de souffre qui accompagnait son histoire. Blanche savait à quoi s’en tenir, c’est pourquoi elle aimait être seule, ne se fiant à personne.
Elle savait que cette affaire, dont elle ne connaissait rien, n’étant que la “valise”, était vitale pour l’humanité. Cela lui donnait des ailes, la force qui lui aurait fait soulever des montagnes. Elle allait donc sereine dans le brouillard, dans ces rues de Londres qu’elle ne connaissait pas, vers son point de contact, vers un destin qui, tout en lui faisant très peur, la stimulait.
Pendant ce déplacement la seule présence qui lui manquait était celle de son gros matou, un vulgaire chat de gouttière tigré, mais , son frère Patrick prenait grand soin de lui lorsque Blanche devait s’absenter....
Elle devait reconnaître que Patrick manquait quelque fois de prudence, pour ne pas dire de bon sens. Raison de sa grande discrétion auprès de Patrick, concernant certains engagements. Cette discrétion altérait les rapports entre les deux enfants dont les parents avaient disparu d’une façon étrange quelques décennies plutôt. La police avait ce dossier sous le coude, qui devenait poussiéreux, depuis tant d’années. Personne n’avait jamais eu le moindre indice de ce départ précipité, sans valises, sans papiers. C’était une énigme. Ce couple était la discrétion même, allant aux offices régulièrement, ne fréquentant personne, Aucun voisin n’était jamais entré dans le petit pavillon de banlieue. Ils étaient de bons parents, quitter ainsi leurs enfants sans un mot, s’évanouir, se volatiliser dans la nature, ne leur ressemblait en rien.
Blanche avait souffert de cette disparition, étant plus âgée que Patrick, elle avait rapidement pris en main les questions matérielles de la maison. Blanche étant encore à l’Université, aucun revenu régulier n’arrivait dans ce petit pavillon, les fins de mois étaient très difficiles, les petits boulots ne finançant que l’urgent.
Un soir, en rentrant dans sa banlieue, elle eut le sentiment d’être suivie. Pressant le pas, elle fut rattrapée sous les arcades de la collégiale. Un paquet, fut glissé sous son bras. Sans un mot, l’étranger disparut aussi discrètement qu’il était apparu. Blanche pressa le pas pour rentrer.
Très vite elle tourna la clef dans la serrure du petit pavillon, monta quatre à quatre les escaliers cirés allant vers sa chambre, et s’enferma. Patrick n’était pas encore rentré, elle avait le temps de compulser ce paquet, qui n’était qu’une grosse enveloppe.
Sa surprise fut grande lorsqu’elle vit tomber sur le tapis des liasses de billets de banque. Blanche haletante, transpirait d’une sueur froide, les mains moites, son coeur battait à tout rompre. Aucun mot d’accompagnement.
Patrick, au bas de l’escalier demanda “quand est - ce qu’on mange ?” Elle ne répondit pas, voulant cacher au plus vite ce mystère qui tombait du ciel. Blanche voulait surtout prendre un peu de recul , et reprendre ses esprits .
Quelle attitude devait-elle prendre devant ce cadeau, cadeau empoisonné... Pourquoi elle, pourquoi cet inconnu l’avait-elle choisie ?
Elle s’attendait à revoir rapidement l’inconnu. Revoir est un grand mot, puisqu’elle ne l’avait pas vu dans la nuit, l’homme de l’ombre.
Les jours, les semaines.... les mois passèrent, Blanche devenait oppressée, elle aurait dû aller à la police, mais ces” gens d’armes” avaient été si peu efficaces depuis la disparition de leurs parents, que le sentiment d’être discret était le plus fort.
Le vent emportait tout ce soir là, surtout le parapluie qu’il était difficile de retenir, la pluie fouettait son visage. Les voitures éclaboussaient les pauvres jambes des passantes. Blanche avait hâte de rentrer. Des pas derrière elle..., rapides, rapprochés. Un sentiment de peur l’envahit. Blanche devine que le moment de l’épilogue de son secret est venu.
Une enveloppe est passée sous son bras, sans un regard l’inconnu la dépasse, les pas s’éloignent. Blanche précipite l’allure afin de retrouver sa chambre, comprendre ce qui va lui être demandé. Elle n’a pas touché à l’argent qui était toujours dans l’endroit secret.
Tremblante, elle ouvre avec précipitation le papier kraft. Une clef portant un numéro, une adresse, un passeport au nom de Claire B. un billet de bateau pour le lendemain au Havre. C’est tout...
Un flash se fait, du fond de son subconscient des images remontent, elle se souvient de ses parents, elle sait , elle a compris.. tout défile d’un trait dans sa tête, elle n’a pas été choisie par hasard, elle doit continuer la mission dans laquelle ses parents étaient engagés. Des larmes coulent de ses yeux froids, elle doit se reprendre... Ne pas parler à Patrick... quitter la maison sans bruit.
Dés cette époque le défit pour la paix était en marche. Il fallait agir en
dessous des institutions légales, travailler comme les taupes, tisser des réseaux souterrains, mobiliser les bonnes volontés pour refonder un monde nouveau.
Chine, Russie,Viet Nam, U.S.A La trame était pourtant en place... mais le contact de Londres en 1930 n’est pas venu.... la liaison n’a pu être faite. Les douleurs, les tristesses n’ont pas cessé depuis.
Patrick n’a jamais revu Blanche, un dossier de disparition traine sous le coude, quelque part dans un ministère.
La guerre de 1939 était inévitable, et les suivantes... aussi.
Jeanne Février 2003